Module 2 : une perspective médicale sur les maladies neurodégénératives chez le sujet jeune

Dans le module 2, les deux formes de maladie les plus fréquentes chez les patients jeunes sont présentées :

  • la maladie d’Alzheimer
  • les dégénérescences fronto-temporales.

Les différentes manifestations de la maladie chez le sujet jeune par rapport aux personnes âgées sont expliquées. Les symptômes aux différents stades d’évolution sont décrits, ainsi que les processus au niveau du cerveau.

Les facteurs de vulnérabilité, y compris des questions de génétiques sont abordés, et enfin, les outils diagnostics et les traitements actuels.

Causes de maladies neurodégénératives

À présent, le Dr Epelbaum va expliquer ce qui cause le plus fréquemment les maladies neurodégénératives, en se centrant plus spécifiquement sur la maladie d’Alzheimer et la dégénérescence fronto-temporale. Il décrira également la spécificité de ces maladies lorsqu’elles apparaissent précocement dans la vie.

Régions et fonctions du cerveau

Voici une vue du côté gauche du cerveau. Les lobes frontaux correspondent à la partie la plus importante. Les régions au-dessus du lobe temporal sont les lobes pariétaux. A côté des oreilles siègent les lobes temporaux. Ces différentes régions du cerveau remplissent des fonctions spécifiques.

Lobes frontaux

Les lobes frontaux sont en charge de la planification, de l’initiation et de l’organisation des actions et du contrôle du comportement, ce qui correspond aux fonctions exécutives. Les lobes frontaux régulent également notre compréhension des autres, de leurs émotions et de leurs réactions face à nos propres comportements. Ces capacités sont appelées l’empathie et la cognition sociale. La partie plus en arrière des lobes frontaux est le centre de production du langage.

Lobes pariétaux

Les lobes pariétaux sont responsables du processus d’information visuelle, de la coordination entre la vision et le mouvement et de l’orientation spatiale.

Lobes temporaux

Les temporaux Les lobes temporaux contiennent les hippocampes qui sont importants pour la construction de nouveaux souvenirs. La partie arrière supérieure des lobes temporaux est impliquée dans la capacité de compréhension du langage et de la signification des mots parlés et mots écrits.

Lobes occipitaux

Les lobes occipitaux sont en charge de la vision.

Formes de maladies neurodégénératives

Maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer est la forme la plus fréquente de maladies neurodégénératives, dans la population générale. Les symptômes se répercutent dans trois domaines : la cognition, le comportement et les activités de la vie quotidienne. Des symptômes physiques peuvent également apparaître à un stade plus avancé de la maladie.

Il est important de souligner que toutes les personnes ne vont pas développer tous les symptômes et que les symptômes peuvent apparaitre dans un ordre différent d’une personne à l’autre.

Des symptômes physiques peuvent également apparaître à un stade plus avancé de la maladie. Il est important de souligner que toutes les personnes ne vont pas développer tous les symptômes et que les symptômes peuvent apparaitre dans un ordre différent d’une personne à l’autre.

Symptômes

Déficience cognitive

  1. La mémoire
  2. L’attention
  3. Le langage
  4. Le raisonnement
  5. L’orientation
  6. Les capacités visuo-spatiales
  7. La manipulation d’objets

La mémoire

Au stade précoce de la maladie, les problèmes mnésiques portent principalement sur la capacité d’apprendre de nouvelles informations. La mémoire des évènements du passé peut être perdue dans des stades plus avancés.

L’attention

La diminution de l’attention peut se manifester par une faible concentration, de la distractibilité et la tendance à perdre le fil du cours de ses actions.

Le langage

Sur le plan langagier, on retrouve plus fréquemment une difficulté à trouver ses mots dans la maladie d’Alzheimer. Les personnes peuvent également avoir des difficultés à construire des phrases et prononcer des mots correctement. Les capacités de lecture et d’écriture peuvent aussi être atteintes.

Le raisonnement

Ensuite, les personnes malades peuvent avoir des difficultés croissantes pour suivre la pensée des autres, pour comprendre les situations, émettre des jugements, prendre des décisions, planifier et organiser. Ces capacités sont appelées “fonctions exécutives”.

L’orientation

On peut également constater une détérioration de l’orientation temporelle et spatiale au cours de la maladie. Les personnes peuvent être incertaines sur la date du jour, du mois, de l’année et ou encore de l’endroit où ils sont.

Les capacités visuo-spatiales

La maladie d’Alzheimer n’affecte pas la vision en tant que telle. Malgré tout, les personnes peuvent avoir des difficultés à reconnaître des objets, à suivre des choses mouvantes avec leurs yeux ou à attraper des objets car la coordination entre la vision et les mouvements est détériorée.

La manipulation d’objets

De même, cette maladie n’affecte pas le mouvement mais certaines personnes peuvent avoir des problèmes à coordonner des mouvements volontaires et de la manipulation d’objet. Cela peut conduire à l’incapacité à utiliser des appareils électroménagers, des outils ou encore des couverts.

Changements comportementaux

Des changements comportementaux peuvent également apparaître avec l’évolution de la maladie. A un stade précoce, la dépression et l’apathie sont les plus fréquentes. Ensuite, peuvent apparaître des symptômes anxieux se manifestant par de l’agitation ou de l’irritabilité. A un stade plus avancé, les personnes peuvent présenter des inversions circadiennes (du jour et de la nuit), de l’agressivité, voire des cris.
Les délires sont rares et ce, à tous les stades de la maladie d’Alzheimer. Ils sont définis par des fausses croyances qui ne sont pas en accord avec la réalité. Souvent les personnes sont convaincues que des étrangers sont dans la maison ou que des choses ont été volées.
Les hallucinations sont également peu fréquentes. Elles sont définies par des perceptions auditives, visuelles ou tactiles de choses qui ne sont pas réellement là. Les hallucinations sont à distinguer des identifications illusoires dans lesquelles des perceptions d’objets réels sont mal interprétées (par exemple, quand un rideau mouvant est vu comme un intrus).
Souvent, ces modifications comportementales entrainent une charge, un fardeau plus important chez les proches que le déclin des capacités cognitives. Cependant, ces changements ne s’aggravent pas toujours avec le temps et peuvent varier au cours de l’évolution de la maladie. De plus, on peut parfois constater une amélioration de ces comportements avec le temps. Ainsi, certains malades deviennent souvent plus doux, plus accessibles et plus agréables.

Réduction des activités de la vie quotidienne

Les problèmes cognitifs interfèrent également avec la capacité à maintenir des activités quotidiennes. Les tâches complexes sont souvent affectées les premières, comme assurer un travail, organiser les tâches domestiques ou gérer les affaires financières. Avec le temps, les activités plus simples sont également compromises comme s’habiller, préparer les repas, faire des courses ou organiser la journée. A un stade plus avancé de la maladie, les personnes peuvent aussi perdre leur indépendance dans des tâches plus basiques de la vie quotidienne comme manger ou aller aux toilettes.
Ces difficultés à remplir certaines tâches de la vie quotidienne peuvent cependant offrir aux proches la possibilité de partager de nouvelles activités et expériences, qui peuvent créer une proximité inattendue et mutuellement enrichissante.

Symptômes physiques

Au début de la maladie, on ne relève normalement pas de répercussions physiques. Certaines personnes peuvent se plaindre de douleurs mais ces dernières sont plus fréquemment liées à d’autres maladies ou encore à des changements vasculaires cérébraux. Au cours de la maladie, des crises épileptiques ou des mouvements saccadés des membres peuvent apparaître. Et avec l’évolution, les personnes peuvent développer des difficultés à avaler, perdre du poids, avoir des troubles de l’équilibre et chuter.

Évolution

Les processus cérébraux conduisant à la perte progressive des cellules nerveuses débutent plusieurs années voire une décennie avant que les premiers symptômes soient perceptibles. Les premiers signes sont souvent associés à quelques difficultés de mémoire ou des problèmes de concentration. On parle alors de stade prodromal de la maladie. 

La maladie est réellement étiquetée dès lors qu’un déclin cognitif est suffisamment important pour créer des problèmes dans la vie quotidienne, comme organiser les tâches domestiques, préparer à manger ou être performant au travail. L’évolution de la maladie est habituellement divisée en stade de léger à sévère. Grossièrement, au stade léger, les patients peuvent vivre de manière indépendante avec des aides occasionnelles. A un stade modéré, les malades ont de plus en plus besoin d’aide et de soutien pour les activités de la vie du quotidien. Au stade sévère, les patients sont souvent entièrement dépendants des autres, ce qui conduit la plupart du temps à un placement dans des institutions spécialisées.

Variantes atypiques

Chez approximativement un tiers des malades jeunes, la maladie a une apparence atypique. Il existe par exemple une variante frontale où les changements comportementaux sont particulièrement présents, ce qui la rapproche de la dégénérescence fronto-temporale. Il existe également une forme dite “langagière” où prédomine des difficultés sévères pour trouver les mots et un ralentissement du langage. La troisième variante est caractérisée par des problèmes visuo-perceptifs. Les personnes peuvent alors avoir des difficultés à orienter leur regard vers des objets, à suivre des objets mouvants avec les yeux, à comprendre comment des objets multiples sont reliés les uns aux autres ou à attraper des objets.

Localisation cérébrale

La maladie d’Alzheimer se déclare habituellement dans les lobes temporaux où se situent les hippocampes. Depuis cette zone les lésions s’étendent progressivement à d’autres parties du cerveau, particulièrement les lobes pariétaux. Cette diffusion est le reflet de
l’aggravation progressive des symptômes.

Pathologie

Le cerveau est un organe complexe composé de neurones par lesquels les informations circulent. Or la maladie d’Alzheimer a deux conséquences :

1) une protéine appelée amyloïde est déposée de manière anormale autour du neurone, formant un dépôt dense appelé plaque sénile.
2) une autre protéine appelée TAU subit un changement dans sa composition et produit un enchevêtrement neurofibrillaire anormal à l’intérieur des neurones, ce qui crée une dégénérescence.

Les plaques séniles et les enchevêtrements neurofibrillaires sont présents en abondance dans les régions affectées du cerveau. Ces deux changements pathologiques sont responsables du devenir dysfonctionnel des cellules nerveuses et finalement de leur disparition.

Génétique

Dans la majorité des cas, aucun autre membre de la famille n’est connu pour avoir eu une maladie neurogénérative du sujet jeune. Cependant, dans des cas plus rares, la maladie est présente chez plusieurs parents et dans plusieurs générations, évoquant un problème génétique. Ces erreurs sont appelées des mutations. A ce jour, des mutations sur 3 gènes ont été identifiées comme responsables de la maladie d’Alzheimer familiale. Pour déterminer s’il existe une cause génétique de la maladie, des tests génétiques peuvent être réalisés. Pour plus d’informations :  www.alzheimer-genetique.fr/patients/alzheimer-hereditaire

Facteurs de risques

Les facteurs de risque ne sont pas responsables de la maladie mais augmentent la probabilité de sa survenue. Les facteurs de risques peuvent être trouvés chez des personnes qui restent en bonne santé. A l’inverse, ils peuvent être absents chez des personnes qui développent la maladie. Les facteurs de risque actuellement connus pour la maladie d’Alzheimer du sujet jeune sont les mêmes que pour la forme à début tardive. Ils incluent l’âge, l’histoire familiale et une variante normale d’un gène qui est impliqué dans le transport du cholestérol, l’apolipoprotéine E. Comme cette variante de l’apolipoprotéine E est seulement un facteur de risque, elle ne prédit pas une maladie future et n’est pas aussi utile qu’un test génétique. D’autres facteurs médicaux sont associés à un risque augmenté de développer la maladie d’Alzheimer comme la pression sanguine, un niveau de cholestérol élevé, des épisodes antérieurs de dépression et de traumatismes crâniens. Enfin plusieurs facteurs liés au mode de vie sont également impliqués, comme un faible activité physique et mentale ou encore un faible niveau d’étude.

Dégénérescences fronto-temporales

Les dégénérescences fronto-temporales sont un groupe de maladies neurologiques qui affectent initialement les lobes frontaux et les parties antérieures des lobes temporaux. Elles sont hétérogènes en terme de pathologie, de génétique et d’apparition clinique.
Ensemble, elles représentent la seconde forme la plus fréquente des maladies neurodégénératives à début précoce. Les dénégérescences fronto-temporales, autrement appeléees DFT, ont trois formes cliniques distinctes qui dépendent de la localisation du processus pathologique :

  • une forme où des troubles du comportement prédominent, qui est appelée la dégénérescence fronto-temporale comportementale
  • et deux formes où les troubles du langage prédominent, l’aphasie primaire progressive non fluente et l’aphasie primaire progressive sémantique.

Dégénérescence fronto-temporale comportamentale

La dégénérescence fronto-temporale comportementale est caractérisée par des changements comportementaux précoces, comme la désinhibition, le manque de tact, l’apathie, l’inertie, l’impulsivité, la perte d’empathie, des comportements répétitifs ou stéréotypés, et des modifications des habitudes alimentaires. Ils sont souvent interprétés comme étant une altération de la personnalité.
On relève également une détérioration cognitive, bien qu’elle soit moins importante que dans la maladie d’Alzheimer, et caractérisée par des troubles des fonctions exécutives comme la planification, l’organisation alors que la mémoire est plutôt épargnée. Du fait de la combinaison entre changements comportementaux et troubles des fonctions exécutives, les activités les plus complexes de la vie quotidienne sont rapidement perdues.

Aphasie primaire progressive non-fluente

Dans la variante non-fluente de l’aphasie primaire progressive, les patients ont des troubles croissants de production du langage. Ils parlent lentement et ont des difficultés à énoncer des mots correctement. Cependant, la capacité à comprendre le langage est préservée. Au cours du temps, les individus peuvent présenter des changements comportementaux similaires à ceux retrouvés dans la composante comportementale de la dégénérescence fronto-temporale.

Aphasie primaire progressive sémantique

La forme sémantique de l’aphasie primaire progressive quant à elle n’affecte pas initialement la production du langage mais la compréhension du langage. Les personnes perdent progressivement le sens des mots. Progressivement, ils peuvent également présenter des difficultés à reconnaitre les noms et les visages familiers. Souvent, ils conservent la capacité à parler de manière fluente, mais leur communication tend à être pauvre en contenu et de sens. Avec l’évolution de la maladie, les individus développent également des changement comportementaux similaires à la forme comportementale de la dégénérescence fronto-temporale.

Dégénérescence fronto-temporale avec des symptômes moteurs

Certaines personnes atteintes de DFT développent également des symptômes moteurs de la maladie de Parkinson, comme la rigidité, les mouvements lents et des problèmes d’équilibre. D’autres peuvent également avoir des signes de maladie du motoneurone – c’est-à-dire faiblesse musculaire et difficultés de déglutition – également appelée sclérose latérale amyotrophique.

Évolution

Dans ces différentes variantes cliniques, les symptômes évoluent progressivement. Bien que certaines études évoquent d’une lapse de temps de 6 ans entre le point du diagnostic et la fin de vie, il existe une large variation interindividuelle dans l’évolution des symptômes.

Régions affectées

Dans la forme comportementale de DFT, la neurodégénérescence implique le lobe frontal. Dans la forme non-fluente de l’aphasie primaire progressive, ce sont les régions frontales et antero-temporales du côté gauche qui sont affectées. Dans la forme sémantique de l’aphasie primaire progressive, la neurodégénérescence est localisée de manière bilatérale sur le lobe temporal antérieur et inférieur.

Pathologie

Comme dans la maladie d’Alzheimer, la perte des cellules nerveuses dans la DFT est causée par un traitement anormal, une agrégation et un dépôt de protéines cérébrales normales. Trois protéines principales sont impliquées, tau et une protéine dont le nom est si compliqué que son abréviation est utilisée : TDP-43. Le type spécifique de la pathologie sous-jacente ne peut pas être prédit à partir des symptômes, puisque les trois variantes cliniques de DFT peuvent avoir des modifications de tau ou de TDP-43.

Génétique et facteurs de risques

Génétiques

Trois causes génétiques principales pour la dégénérescence fronto-temporale ont été identifiées jusqu’à présent. Elles impliquent des mutations de trois gènes, dont le gène tau. Il y a un lien entre ces erreurs génétiques et le type de pathologie. Les mutations dans le gène tau conduisent à la pathologie tau, alors que les mutations dans les autres gènes résultent de la pathologie TDP-43.

Facteurs de risques

La variante de l’apolopoprotéine E qui est un facteur de risque pour la maladie d’Alzheimer peut également augmenter la probabilité de dégénérescence fronto-temporale. Plusieurs autres facteurs de risques génétiques ont été identifiés, dont tous ont des petits effets. Il n’y a pas de facteurs de risques non-génétiques connus pour la dégénérescence fonto-temporale.

Les conseils génétiques

Les gènes contiennent la structure des protéines et des enzymes de chaque cellule de notre corps. Les mutations des sont des erreurs qui surviennent au sein de ces structures, comparables à des coquilles dans un énorme document informatique. Elles changent les fonctions normales du gène de deux façons possibles: soit la fonction normale est perdue, soit une nouvelle et délétère fonction est gagnée. Ces deux changements sont suffisants pour interférer avec les fonctions normales des cellules, de façon à ce que se développe une maladie.

Tous les changements de notre patrimoine génétique ne causent une altération dramatique de la fonction du gène. Certaines altérations produisent des déficits mineurs et sont appelés des gènes risques. Ce type de modifications de gènes associé à un risque peut rendre les cellules du corps plus vulnérables aux maladies. Mais une mutation qui cause une maladie va avoir un impact bien différent chez un individu et une famille qu’un simple gène risque qui ne fait qu’augmenter la possibilité d’avoir une maladie.

Arbre généalogique

Les conseils génétiques fournissent aux patients et aux familles des informations sur l’hérédité et sur les tests génétiques. L’objectif est donc de les aider à trouver une cause génétique à la maladie dont ils sont affectés et de les assister dans la prise de décision – comme celles de construire une famille et sur les dispositions pour l’avenir.

En général, la probabilité d’une cause génétique est plus élevée si plusieurs membres d’une même famille sont atteints par la même maladie. Pour autant, l’occurence de cas multiples dans une famille n’indique pas nécessairement une cause génétique. De ce fait, il est recommandé que les individus qui cherchent des informations sur l’hérédité d’une maladie dans leur famille discutent de ces sujets avec des professionnels généticiens.

Procédure diagnostique

Le Dr Epelbaum exposera les principes du diagnostic ci-après :

Les traitements disponibles

A la fin de cette partie du programme, le Dr Epelbaum décrira les traitements disponibles, incluant les traitements médicamenteux et les stratégies non-pharmacologiques :