Module 4 : Faire face aux changements du comportement

Dans ce module, le Dr. Stéphane Epelbaum aborde l’ensemble des changements comportementaux et émotionnels qui surviennent dans les maladies neurodégénératives, ainsi que les différents facteurs qui peuvent y contribuer.

Ce module vous invite à découvrir l’approche « ACC » pour gérer ces troubles. Cet outil vous permettra d’analyser chaque situation problématique que vous observez dans le quotidien afin d’identifier les solutions pour y faire face.

Par la suite, les principaux troubles comportementaux et émotionnels y sont détaillés, avec des conseils pour mieux les reconnaitre et les gérer.

Faire face à un changement de comportement

L’approche ACC

L’approche « ACC » permet une meilleure compréhension et gestion des changements comportementaux de votre proche. En premier lieu, il s’agit d’identifier les modifications de comportement les plus gênantes (il n’est pas nécessaire de se pencher sur tous les changements de comportements), puis de les décrire de façon détaillée selon les trois points suivants :

  • Antécédents : Que se passe-t-il juste avant la modification du comportement ?
  • Comportement : Décrire en détail le comportement problématique.
  • Conséquences : Identifiez comment réagit la personne malade, comment l’entourage réagit et qu’est ce qui améliore ou empire le comportement dans la durée ?

Nous pouvons illustrer cette technique à l’aide d’un exemple.

Exemple : José vit avec son épouse Teresa qui a été diagnostiquée d’une maladie d’Alzheimer il y a quelques années. Habituellement, José fait les courses le matin et Teresa reste à la maison. Un jour, en rentrant des courses, il constate que Teresa se comporte différemment de d’habitude.

Appliquer la technique ACC

Le Comportement problématique que José constate chez Teresa est une anxiété et une agitation. Il veut en comprendre la raison et essaye d’identifier tout ce qu’il s’est passé juste avant ce changement de comportement.

Les Antécédents peuvent émaner de façon générale :

  • De la personne malade : par exemple des sentiments d’isolement ou de frustration, une inquiétude importante, une sensation physique d’inconfort ou de douleur
  • De l’environnement extérieur : par exemple une chaleur ou un froid excessif, du bruit, le comportement des gens autour, y compris ceux de l’aidant.

Les Conséquences sont :

  • pour Teresa: une perturbation de l’humeur qui se maintiennent toute la journée
  • pour José : une incompréhension, de l’inquiétude, plusieurs tentatives pour calmer Teresa.

L’ACC : José et Teresa

A : Analyse des Antécédents : José estime que ce sont des raisons internes à Teresa qui ont conduit à ce comportement : Teresa ne voulait pas être laissée seule à la maison. Afin d’éviter cela, le lendemain José reste à la maison. Toutefois, Teresa se montre toujours agitée.
Dans la deuxième vidéo, nous comprenons que ce n’était pas l’absence de José qui a rendu Teresa anxieuse, mais l’arrivée du facteur dans l’immeuble. Les bruits du facteur émanant de la rue lui ont fait peur car elle ne comprenait pas ce qu’il se passait.

C : Analyse des Conséquences : alors que Teresa est encore anxieuse lorsque José reste à la maison, il décide alors d’emmener Teresa avec lui lorsqu’il sort faire les courses pour éviter qu’elle ne soit seule à la maison lorsque le facteur passe. N’étant pas perturbée par les bruits du facteur, Teresa se sent plus apaisée et passe une journée plus agréable avec José.

Changements d’humeur

Dépression

Comment reconnaître la dépression?

Lorsqu’une personne est déprimée, elle se sent triste ou sans valeur et lutte pour faire face à ses activités quotidiennes. La dépression peut être causée par différents facteurs, biologiques, mais aussi psychologiques. Par exemple, au début de la maladie d’Alzheimer, le malade peut avoir des difficultés à s’exprimer, se sentir socialement isolé ou en insécurité, parce qu’il ne peut pas faire les choses comme il avait l’habitude de les faire.

Vous pouvez reconnaître les sentiments dépressifs en combinant les caractéristiques suivantes:

  • sentiments de tristesse ou de désespoir
  • sentiments d’inutilité ou de faible estime de soi
  • incapacité de profiter des activités quotidiennes et sociales comme auparavant
  • repli sur soi
  • idées de mort ou de suicide

Que faire?

Il y a plusieurs choses que vous pouvez faire en tant qu’aidant pour soutenir votre proche lorsqu’il se sent déprimé :

  • essayez d’être compréhensif et de le réconforter; l’écouter et reconnaître ses peines sont souvent les choses les plus efficaces que vous puissiez faire
  • encouragez les activités agréables qu’il est encore capable de faire
  • promenez-vous avec lui, pratiquez des activités physiques, écoutez de la musique, regardez des photos anciennes. Surtout avec l’apparition précoce de la maladie, les activités physiques peuvent être très utiles
  • encouragez votre proche à faire les choses de son plein gré si ça lui est encore possible. Même si vous pouvez accomplir la tâche, mieux ou plus vite, cela soutiendra son amour-propre et lui procurera un sentiment de contrôle
  • organisez des activités sociales afin d’éviter l’isolement. Des rencontres en petits groupes et des visites d’une durée adaptée faciliteront les choses

Anxiété

Comment reconnaître l’anxiété?

L’anxiété peut avoir différentes causes ou facteurs déclenchants, par les activités prévues, un entourage trop nombreux, une sensation de malaise, ou des situations complexes pour lesquelles il peut être difficile de se laisser aller. De même, des sentiments de frustration liés à l’incapacité à résoudre certains problèmes ou à faire certaines choses peuvent également générer de l’anxiété. Vous pouvez reconnaître l’anxiété si vous observez les éléments suivants chez votre proche:

  • nervosité, tension, agitation
  • inquiétudes concernant l’avenir ou les proches
  • peur de se retrouver seul ou abandonné
  • questions répétées sur un évènement à venir

Que faire?

  • essayez d’éviter de trop importuner la personne malade en lui demandant de faire trop de choses ou en corrigeant ses erreurs
  • essayez d’instaurer des routines
  • si des changements sont nécessaires, essayez de les introduire progressivement
  • si la personne malade est sur le point de faire face à un grand changement, comme être placé dans un établissement spécialisé, pensez à présenter le malade aux membres du personnel à l’avance et planifiez des visites préalables
  • veillez également à avoir certains biens familiers autour de la personne malade dans son nouvel environnement

Euphorie

Comment reconnaître l’euphorie?

L’euphorie ou humeur excessive, est plus fréquente chez les personnes atteintes de dégénérescence fronto-temporale, mais peut également être présente dans d’autres types de maladies neurodégénératives.

Caractéristiques typiques de l’euphorie:

  • gaieté excessive sans raison
  • bonne humeur anormale persistante
  • rires immotivés pour des choses que d’autres ne trouvent pas drôles
  • enfantillage, tendance à faire des blagues, à plaisanter de manière inappropriée

Que faire?

  • essayez de voir si l’humeur de la personne malade pose problème, que ce soit pour elle-même ou pour quelqu’un d’autre, et s’il y a besoin d’intervenir
  • identifiez les circonstances qui déclenchent l’euphorie et qui l’empirent, comme le bruit, le désordre, les rencontres sociales ou la caféine et essayer d’éviter ou de les minimiser
  • si l’humeur exagérée est encouragée par d’autres, il peut être utile d’expliquer qu’il vaut mieux calmer la personne plutôt qu’attiser l’excitation

Comportement social inapproprié

La maladie neurodégénérative peut changer le comportement social de la personne de différentes manières. Par exemple, elle peut présenter:

  • un intérêt réduit pour les émotions des autres personnes; une froideur émotionnelle et une absence de réaction
  • une diminution de la capacité à reconnaître et à comprendre les sentiments des autres
  • une difficulté à tenir compte des normes sociales, un égocentrisme, des comportements inappropriés ou impolis
  • un comportement désinhibé, comme parler à des inconnus, toucher les gens ou faire des commentaires sexuels ou des avances

Que faire?

  • ne réagissez pas de manière violente. N’oubliez pas que la maladie est à l’origine du comportement et que la personne malade ne se comporte pas volontairement de cette manière
  • essayez de juger si le comportement a vraiment besoin d’être pris en considération. Par exemple, dans certaines situations, parler à des inconnus peut ne pas être un problème. Le malade peut ressentir un besoin de sociabilité et l’étranger peut être heureux d’engager une conversation avec lui
  • si la personne semble se comporter de manière sexuellement inappropriée, cela peut être l’expression de quelque chose de différent, comme le besoin d’aller aux toilettes, un malaise, une incompréhension des autres, ou encore que la personne malade confond son partenaire avec quelqu’un d’autre
  • si le malade a l’intention de se déshabiller en public, emmenez-le vers un endroit plus privé et vérifiez si il ne sent pas mal à l’aise ou si il veut aller aux toilettes
  • expliquez aux gens autour de vous que la personne se comporte de cette manière à cause d’une maladie – vous pouvez vous servir d’une carte d’information

Manque d’initiative et de motivation

Les maladies neurodégénératives sont souvent associées au manque d’initiative, de motivation et à l’apathie qui se manifestent par :

  • un faible niveau d’activité
  • un manque de réactivité
  • une perte d’intérêt
  • une indifférence
  • un repli sur soi

Pour les membres de la famille, c’est un des changements les plus douloureux parce qu’il devient difficile d’interagir avec la personne malade.

Que faire?

  • essayez d’accepter le fait que cela ne dérange pas du tout la personne malade et qu’elle ne le vit pas comme un problème
  • essayez d’adapter les activités autrefois agréables afin qu’elle puisse y participer de manière confortable, sans lui peser
  • encouragez-la à faire des choses qui vous semblent encore faisables et appréciables pour elle. Par exemple, promenez-vous avec elle, écoutez de la musique, regardez des photographies anciennes
  • parlez de souvenirs, il sera probablement plus facile pour elle de parler de choses passées que des évènements récents
  • stimuler le contact avec les autres afin d’éviter l’isolement social. Il est important qu’elle se sente chez elle
  • lorsque le niveau d’activité et d’intérêt et est très faible, vous pouvez essayer une stimulation sensorielle. Utilisez par exemple de la musique, du parfum, des matières tactiles (tissus mous, caresser les animaux), des senteurs, des couleurs diverses.

Comportements moteurs anormaux

Les maladies neurodégénératives peuvent être associées à diverses formes de comportements moteurs anormaux. Les plus fréquents sont : 

Il existe d’autres anomalies du mouvement causées par des troubles neurologiques. Ceux-ci sont abordés dans le module 3.

Déambulation

Comment reconnaître la déambulation?

Les personnes malades jeunes, étant souvent plus physiquement actifs par rapport aux malades plus âgées, sont exposées au risque de déambulation et au risque de se perdre. Elles peuvent être désorientés ou confus pendant un laps de temps. Surveillez les signes d’alertes suivants:

  • la personne rentre d’une promenade régulière plus tard que d’habitude
  • la personne essaie d’effectuer des obligations anciennes, comme aller au travail
  • la personne veut rentrer à la maison même quand elle est à la maison
  • la personne est agitée ou fait les cent pas

Que faire?

  • si la personne malade semble s’ennuyer, proposez des activités à l’intérieur ou autour de la maison pour aider à réduire les comportements déambulatoires
  • se promener ensemble ou demandez à quelqu’un d’autre d’accompagner la personne malade en promenade
  • sécurisez la maison et le jardin autant et le jardin autant que possible pour éviter les blessures et les accidents.
  • assurez-vous que le malade a une certaine forme d’identification personnelle sur lui. Une carte plastifiée avec le nom, l’adresse et le numéro de téléphone placée dans une poche peut suffire. Vous pouvez aussi demander à la personne de porter un bracelet avec son nom et un numéro de téléphone.
  • utilisez un GPS vous permet de garder une trace de la personne si elle s’éloigne trop, ce dispositif peut se révéler utile si le malade se perd.

Comportements stéréotypés

Comment reconnaître les comportements stéréotypés?

Les maladies neurodégénératives peuvent amener les personnes malades à répéter les mêmes gestes à maintes reprises. Ce type de changement comportemental est particulièrement fréquent dans les cas de dégénérescence fronto-temporale. Les malades peuvent:

  • répéter des sons, des mots ou des questions
  • répéter des actions, par exemple claquer les lèvres, tapoter avec les doigts
  • accumuler des objets
  • manger la même nourriture tous les jours
  • développer des routines fixes et régulières

Que faire?

  • si les comportements stéréotypés deviennent un problème, essayez de distraire la personne en proposant une activité
  • si la personne accumule des objets, vous pouvez essayer de transformer ces tendances répétitives en une activité plus constructive, par exemple demander au malade de s’occuper du linge, de trier des pièces de puzzle ou d’autres objets, ou encore d’effectuer une tâche de bricolage simple
  • si le malade accumule des objets, proposez-lui un endroit spécial pour cette activité, ou demandez-lui de les ranger dans une boîte spécifique
  • essayez de voir l’aspect positif des routines : pour lui c’est une manière de structurer sa journée.

Agitation et agressivité

Comment reconnaître l’agitation?

L’agitation est fréquente chez les personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Elles se manifeste de plusieurs façons :

  • un manque de coopération pour les soins
  • une hyperactivité motrice
  • des vocalisations

Le « sundowning » ou syndrome crépusculaire est une forme spéciale d’agitation et de confusion qui apparait ou se majore en fin d’après-midi ou en soirée.

Comment reconnaître l’agressivité?

Un certain nombre de personnes malades se comportent parfois de manière agressive, en particulier à un stade modéré ou avancé. Un comportement agressif, comme crier, frapper ou griffer, peut-être très stressant et gênant pour l’entourage. Il existe des causes biologiques, sociales, psychologiques et environnementales à cette agressivité. Les causes les plus importantes sont :

  • biologiques : douleur, malaise, soif, constipation
  • sociales : manque de contact, solitude, ennui, inactivité
  • psychologiques : frustration, sentiment que son autonomie n’est pas respectée, fierté, intimité, incompréhension des intentions de l’aidant
  • environnementales : la sur-stimulation, le manque de soutien dans l’orientation

Que faire?

Il existe quelques suggestions générales sur la manière de faire face à un comportement agité ou agressif chez une personne malade. Cependant, il n’y a pas de solution miracle, et vous devrez peut-être essayer différentes stratégies pour voir laquelle fonctionnera le mieux dans votre situation:

  • ne prenez pas son comportement comme une offense personnelle
  • identifiez les causes qui déclenchent le comportement (approche ACC)
  • avant de réagir, prenez une profonde inspiration, faites un pas en arrière pour donner de l’espace à la personne et attendez un peu. Si la personne est en sécurité, vous pouvez éventuellement quitter la pièce pour que chacun se calme.
  • restez calme et gardez le contrôle
  • essayer le massage, le toucher, les senteurs, la musique ou proposez une promenade

Si malgré tous vos efforts et l’aide des autres, le comportement agressif ne peut pas être résolu ou se produit fréquemment et que vous ou la personne dont vous vous occupez, êtes exposés à un risque, c’est peut-être un facteur important dans la décision de rechercher des soins ou un hébergement alternatif.

Perception et interprétation de la réalité

Il y a trois différents types de problèmes de perception et d’interprétation de la réalité qui peuvent se produire chez les personnes ayant une maladie neurodégénérative : les idées délirantes, les hallucinations et les illusions. Bien que ces manifestations soient inhabituelles, les réactions à ces expériences peuvent être normales et compréhensibles. Elles peuvent avoir des causes médicales, comme la fièvre, les infections, les effets secondaires d’un médicament ou les accidents vasculaires cérébraux.

Les idées délirantes

Définition : l’idée délirante, définition : croyance erronée fondée sur une déduction incorrecte concernant la réalité extérieure

La personne malade peut-être convaincue que:

  • il y a des étrangers à la maison
  • des choses ont été volées
  • la maison où elle vit n’est pas la sienne
  • son conjoint est infidèle
  • elle est abandonnée et laissée toute seule

Les hallucinations

Définition : perception de quelque chose qui n’existe pas. Les hallucinations visuelles sont les plus fréquentes dans les maladies neurodégénératives.

Lorsque les malades ont des hallucinations, ils voient, entendent, sentent ou goûtent quelque chose qui n’est pas vraiment lá. Bien que vous ne puissiez pas partager l’expérience avec la personne malade, vous pourriez être en mesure de savoir ce qui se passe à partir de ses réactions et de ses comportements. Par exemple, la personne peut:

  • voir des insectes rampants sur ses mains et essayer de les enlever
  • voir des animaux ou d’autres objets dangereux auxquels elle tente d’échapper
  • entendre des gens lui parler et répondre à ces choix.

Les illusions

Définition : perception fausse, reconstruite à partir d’objets réels

Les illusions sont souvent dues à une altération de la vision ou de l’audition, et surgissent souvent dans des situations de faible éclairage. Par exemple, la personne peut:

  • confondre des personnes apparaissant à la télévision avec des personnes réelles, leur parler, les inviter pour le thé, ou mettre la table pour eux
  • confondre leur propre reflet dans un miroir et le prendre pour un étranger
  • percevoir un rideau qui bouge dans la nuit comme un intrus

Que faire?

  • évitez de renforcer ou confirmer les fausses idées et les fausses perceptions
  • essayez de ne pas contredire directement la personne malade, en essayant de la convaincre qu’elle se trompe
  • reconnaissez et répondez surtout aux les émotions de la personne, et non pas le contenu des expériences
  • la rassurer, en disant par exemple que vous ne voyez aucun danger
  • distraire la personne en mettant l’accent sur une autre activité
  • assurez-vous que le malade porte ses lunettes et prothèses auditives pendant la journée
  • vérifiez que les pièces et couloirs de la maisonsoient bien éclairés
  • évitez les motifs trop chargés sur les murs et le sol
  • retirez les miroirs et les surfaces brillantes si elles posent des problèmes
  • consultez un médecin afin d’exclure une cause pharmacologique